Il y a bientôt deux ans de cela, le 1er décembre 2021, le ministre des Services sociaux a introduit la Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives, plus connue sous le nom de Loi 15.
Cette réforme législative est intervenue suite à de nombreuses recommandations, notamment par des commissions gouvernementales ainsi que par les intervenants de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Cette réforme répond donc aux nombreux appels pour la création d’un nouveau cadre législatif pour la protection des enfants au Québec.
La Loi 15 a aussi été introduite dans un contexte particulier. En effet, certains événements tragiques ont révélé des lacunes dans la loi en matière de protection de la jeunesse.
Il importe de se demander alors quelles sont les modifications apportées par la nouvelle Loi 15.
Comprendre la portée de la nouvelle Loi 15 peut s’avérer complexe, c’est pourquoi Soumissions Avocats vous explique tout ce qu’implique les nouvelles dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse!
L’intérêt supérieur de l’enfant : Une préoccupation au cœur de la nouvelle Loi 15
Pour mieux comprendre les modifications de la Loi 15, il faut s’avoir qu’avant l’adoption de la réforme, la Loi sur la protection de la jeunesse se basait sur un principe selon lequel toutes les décisions prises par la DPJ devaient privilégier le maintien de l’enfant dans son milieu familial actuel.
Malheureusement, ce principe a mené à des situations où un enfant devait à tout prix rester dans son milieu familial, et ce, même en cas de négligence ou de maltraitance. Cette approche visait à offrir aux enfants pris en charge par la DPJ un environnement stable, même en dehors de la famille d’origine.
Aujourd’hui, on peut constater que la nouvelle Loi 15 change radicalement cette orientation. Désormais, l’intérêt de l’enfant prime sur toutes les autres considérations, y compris celles des parents et du maintien en milieu familial.
Le préambule de la Loi sur la protection de la jeunesse stipule d’ailleurs ceci : « CONSIDÉRANT que l’intérêt de l’enfant est la considération primordiale dans toute décision prise à son sujet ».
En d’autres termes, la nouvelle loi exige une intervention immédiate chaque fois qu’un enfant est en situation de danger, notamment en cas de violence domestique. Si un enfant subit de la violence à la maison, sa situation sera nécessairement prise en compte dans les décisions concernant son bien-être et sa sécurité.
La Loi 15 vient donc mettre fin au principe de primauté parentale qui guidait les décisions prises par la DPJ et les tribunaux dans les cas de négligence ou de maltraitance familiale. Cette réforme visait entre autres à assurer que les enfants ne soient constamment ballottés entre leur famille biologique et une famille d’accueil, comme c’était souvent le cas sous l’empire de l’ancienne de loi.
D’ailleurs, la Loi 15 vient modifier l’article 4 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Avant les modifications, la loi prévoyait que toute décision prise en vertu de la présente loi devait tendre à maintenir l’enfant dans son milieu familial.
Désormais, l’article 4 prévoit que toute décision prise en vertu de la présente loi doit avoir comme objectif la continuité des soins et la stabilité des liens de l’enfant. Cependant, le maintien de l’enfant dans son milieu familial est privilégié À CONDITION qu’il soit dans l’intérêt de l’enfant.
Un autre changement à souligner de la Loi 15 est l’article 5, qui prévoit l’obligation pour les personnes qui ont des responsabilités envers l’enfant d’informer ce dernier de son droit de consulter un avocat et d’être assisté pendant les procédures judiciaires. Cette disposition garantit le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant en lui assurant une représentation équitable lors des litiges.
Une plus grande marge de manœuvre pour les intervenants de la DPJ
Atténuation des règles de confidentialité
Une amélioration importante apportée par la Loi 25 est l’atténuation des règles de confidentialité, qui auparavant avait un mauvais impact sur le travail des intervenants de la DPJ.
La nouvelle loi facilite donc le partage d’informations concernant les enfants entre les intervenants de la DPJ. Avant la nouvelle loi, chaque nouvel intervenant dans le dossier d’un enfant devait recommencer à zéro la prise d’information, ce qui ralentissait considérablement les interventions.
Désormais, les employés de la DPJ peuvent se partager des informations personnelles concernant les enfants, mais ce partage est tout de même fortement encadré afin de protéger l’intégrité des enfants. Ainsi, le parage d’information se limite aux employés de la DPJ, comme les intervenants et les travailleurs sociaux.
Formation continue des intervenants de la DPJ
La Loi 15 oblige désormais la DPJ à offrir des formations continues à ses intervenants, afin que ces derniers soient davantage en mesure détecter des situations de violence familiale chez les enfants.
Soutien aux jeunes en famille d’accueil
Enfin, la Loi 15 vient aussi imposer l’obligation à la DPJ d’offrir un meilleur soutien aux jeunes adultes qui se trouvent en famille d’accueil, afin de mieux les préparer à la vie adulte. Ainsi, la DPJ veillera désormais à ce que les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans placés en famille d’accueil soient mieux préparés en les informant des services gouvernementaux qui leur sont accessibles.
Le Directeur national de la protection de la jeunesse : Une innovation de la Loi 15
L’adoption de la Loi 15 a également mené à la création de la fonction de Directeur national de la protection de la jeunesse.
Ce poste revêt une importance cruciale, car il est chargé de définir les orientations et les normes de pratique clinique qui devront être appliquées par l’ensemble des directeurs régionaux de la protection de la jeunesse.
De plus, le Directeur national de la protection de la jeunesse a pour mission de :
- Superviser les interventions liées à la protection de la jeunesse; et
- Soutenir l'action des directeurs régionaux dans l'exécution de leurs responsabilités.
Toutes les responsabilités de ce nouveau Directeur national de la protection de la jeunesse sont clairement énoncées dans les articles 29 à 30.4 de la Loi 15.
Il est essentiel de souligner que la mission du Directeur de la protection de la jeunesse est de répondre aux situations où un enfant se trouve en danger ou en insécurité. Voici comment la procédure de signalement se dirige normalement :
- D’abord, signalement est fait à la DPJ afin de l’informer d’une situation préoccupante;
- Par la suite, le Directeur évalue la nécessité d'une intervention de la DPJ.
- Si le Directeur accepte d’intervenir, il peut proposer des mesures d'intervention, notamment en négociant un accord avec la famille de l'enfant ou en sollicitant directement l'intervention du tribunal pour mettre en place des mesures visant à protéger l'enfant.
La Loi 15 confère au Directeur national de la protection de la jeunesse le pouvoir de :
- Mener des enquêtes;
- Demander des corrections à d'autres directeurs dans des délais raisonnables;
- Dans certains cas, déléguer des responsabilités de l’un de ses directeurs lorsque cela s'avère nécessaire.
Une absence de prise en compte des enjeux autochtones dans la Loi 15?
Même si la Loi 15 est venue apporter d’importantes améliorations en matière de protection de la jeunesse, une critique subsiste : les préoccupations propres aux communautés autochtones semblent avoir été insuffisamment prises en compte dans cette nouvelle loi. Il importe donc de se questionner sur la prise en compte des enfants autochtones dans la Loi 15.
Dans le préambule de la Loi 15, de nouvelles dispositions viennent poser l’objectif de prendre en considération les aspects historiques et socioculturels des peuples autochtones lors des interventions menées par la (DPJ). Plusieurs éléments à considérer sont identifiés dans l’article 131.4, notamment :
- La préservation de la culture de leur communauté (langue, les coutumes, traditions et spiritualité)
- Les liens de l'enfant avec sa famille élargie;
- L'accès de l'enfant à son territoire environnant ainsi qu'aux lieux fréquentés par sa communauté;
- La reconnaissance des traumatismes historiques subis par les peuples autochtones et de leurs conditions socioéconomiques.
Désormais, les décisions des intervenants de la DPJ et des tribunaux doivent accorder une priorité à la préservation de la culture des enfants autochtones.
Dans certains cas, la Loi 15 prévoit même la possibilité de constituer un conseil de famille conforme aux pratiques autochtones, et ce, en vertu de l’article 131.9.
Bien que la Loi 15 intègre des considérations spécifiques aux peuples autochtones, il reste que la principale revendication de ces communautés, à savoir l’autonomie dans la gestion des questions relatives à leurs enfants au sein de leurs propres communautés, n’a pas été entièrement satisfaite par cette loi.
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Malgré certaines critiques, la nouvelle Loi sur l’autorité parentale de 2022 a été généralement accueillie comme un pas vers l’avant en matière de protection des enfants. Elle renforce la protection des enfants en mettant leur intérêt supérieur au premier plan, ce qui reflète l’approche prise dans d’autres branches du droit, comme en droit de la famille.
Ainsi, un enfant qui se retrouve dans une situation de violence ou de maltraitance familiale est davantage protégé, puisque le maintien dans le milieu familial d’origine n’est privilégié que s’il est dans le meilleur intérêt de l’enfant.
Si vous avez des questions sur l’autorité parentale, n’hésitez pas à remplir le formulaire de demande afin d’être mis en contact avec un avocat spécialisé en protection de la jeunesse, partenaire de Soumissions Avocat.
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