La reprise d’un logement par un propriétaire n’est pas une démarche qu’il peut réaliser à sa discrétion.
En effet, le Code civil du Québec protège les droits et les intérêts des locataires en leur permettant de maintenir leur résidence dans certaines conditions particulières.
La reprise d’un logement est soumise à des conditions légales bien définies, garantissant que les droits du locataire sont préservés tout en permettant au propriétaire de recouvrer sa propriété dans des situations spécifiques et justifiées.
Dans cet article, Soumissions Avocat explorera en détail les conditions et les procédures à respecter entourant la reprise d’un logement par le propriétaire, tout en abordant les droits et les obligations générales découlant d’un bail!
Quels sont les droits et obligations résultant du bail ?
Avant d’examiner les critères et les obligations que le propriétaire doit respecter lorsqu’il envisage la reprise d’un logement, il est pertinent d’aborder les droits et responsabilités du locateur et du locataire dans le cadre d’un bail au Québec.
Le bail résidentiel au Québec est régi par les articles 1854 et suivants du Code civil du Québec. Ces dispositions sont destinées à protéger les intérêts du locateur et du locataire.
En effet, tant les locataires que les propriétaires ont des droits et des obligations à respecter, en voici quelques-uns des plus essentiels :
- Locateur
Droits et obligations | Explications |
Le logement doit être délivré en bon état |
|
Le locateur a le droit de vérifier l’état du logement |
|
Le locateur a l’obligation d’effectuer les travaux nécessaires |
|
- Locataire
Droits et obligations | Explication |
La jouissance paisible du logement pendant toute la durée du bail |
|
Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence |
|
Le locataire a l’obligation d’informer le locateur en cas de bris |
|
Le locataire a le droit à une diminution de loyer, une résiliation de bail ou une indemnité en cas de réparation urgente |
|
Qu’est-ce qu’une reprise de logement?
I. La reprise d’un logement en vue d'y loger le propriétaire et sa famille
La reprise d’un logement se réfère au droit du propriétaire, également locateur, de récupérer la possession de son bien immobilier dans le but spécifique de l’habiter lui-même ou de loger certains membres de sa famille, tels que :
- Ses ascendants (parents, grands-parents) au premier degré
- Ses descendants (enfants, petits-enfants) au premier degré
- Autres parents ou personnes proches dont le propriétaire est le principal soutien
Le locateur peut aussi reprendre un logement pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l’union civile.
Lorsqu’on parle de « principal soutien », on pourrait penser qu’il s’agit uniquement d’un soutien financier. Cependant, les tribunaux québécois ont élargi cette définition pour inclure d’autres formes de soutien, notamment :
- Moral
- Linguistique
- Psychologique
- Familial
- Social
II. La reprise d’un logement en vue de le subdiviser, l’agrandir ou en changer l’affection (éviction) :
Le locateur d’un logement peut en évincer le locataire pour subdiviser le logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation. En effet, le propriétaire a le droit de mettre fin au bail et d’expulser le locataire pour :
- Subdiviser le logement :
Si le propriétaire souhaite diviser le logement en plusieurs unités plus petites, par exemple, en créant de nouveaux appartements, il peut mettre fin au bail du locataire actuel pour procéder à cette subdivision.
- Agrandir substantiellement le logement :
Si le propriétaire prévoit d’effectuer des travaux d’agrandissement majeurs qui affecteraient de manière significative la structure ou la taille du logement, il peut également évincer le locataire actuel.
- Changer l'affectation du logement :
Le propriétaire peut mettre fin au bail du locataire et reprendre le logement s’il a l’intention de modifier fondamentalement l’utilisation du logement, par exemple, en le transformant en un espace commercial au lieu d’une résidence.
Exception!
Toutefois, en vertu de l’article 1959.2 du Code civil du Québec, le locateur ne peut expulser un locataire pour un changement d’affectation sans lui offrir, au moins un mois avant l’avis d’éviction, la possibilité de résilier le bail et d’en conclure un nouveau.
Le locataire doit répondre à l’offre dans un mois, sinon, il sera réputé l’avoir refusée.
Quelles sont les modalités que le locateur doit respecter entourant la reprise de logement?
1) Le locateur doit envoyer un avis au locataire
Le propriétaire souhaitant reprendre le logement ou évincer le locataire doit fournir un préavis d’au moins six mois avant la fin du bail à durée fixe. Si le bail a une durée de six mois ou moins, le préavis doit être d’au moins un mois.
Cependant, lorsque le bail est à durée indéterminée, le préavis doit être donné six mois avant la date prévue pour la reprise ou l’expulsion :
La durée du bail | Le préavis |
Bail à durée fixe de plus de 6 mois | 6 mois |
Bail à durée fixe de 6 mois ou moins | 1 mois |
Bail à durée indéterminée | 6 mois |
Contenu de l’avis
L’avis de reprise ou l’avis d’éviction doit indiquer :
- La date prévue de reprise ou de l’éviction
- Le motif de la reprise ou de l’éviction
- S’il a lieu, le nom de la personne qui bénéficiera de la reprise du logement (le bénéficiaire)
- S’il y a lieu, le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur
Opposition à la reprise de logement ou à l’éviction
L’opposition à une reprise de logement et l’opposition à l’éviction sont deux procédures différentes! En effet, en cas d’opposition à la reprise de logement, c’est le locateur qui doit obtenir l’autorisation du tribunal pour reprendre le logement.
En revanche, en cas d’opposition à l’éviction, c’est au locataire de faire appel au tribunal pour conserver son logement.
Reprise de logement :
Le locataire est tenu, dans le mois de la réception de l’avis de reprise, d’aviser le locateur de son intention de s’y conformer ou non. S’il omet de le faire, il est réputé avoir refusé de quitter le logement.
Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l’autorisation du tribunal.
Cette demande doit être présentée au Tribunal administratif du logement dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu’il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l’avis et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre d’autres fins.
Éviction :
Le locataire peut, dans le mois de la réception de l’avis d’éviction, s’adresser au Tribunal administratif du logement pour s’opposer à la subdivision, à l’agrandissement ou au changement d’affectation du logement. S’il omet de le faire, il est réputé avoir consenti à quitter le logement.
Bien que le propriétaire ait le droit de reprendre le logement, en cas d’opposition, il revient au locateur de démontrer qu’il entend réellement subdiviser le logement, l’agrandir ou en changer l’affectation.
Tribunal administratif du logement :
Le Tribunal administratif du logement est chargé de trancher les litiges relatifs aux baux et aux logements locatifs. Ce tribunal a compétence pour décider si la reprise de logement ou l’éviction du locataire est légale ou non.
Si le tribunal autorise la reprise de logement ou l’éviction du locataire, il peut imposer les conditions qu’il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d’une indemnité.
2) Le locateur doit verser une indemnité au locataire
- Indemnité obligatoire pour le locataire évincé :
En effet, le locateur a l’obligation de payer au locataire évincé une indemnité comprenant :
- Trois mois de loyer
- Les frais de déménagement raisonnables
Il est à noter que l’indemnité est payable à l’expiration du bail et les frais de déménagement le sont, sur présentation de pièces justificatives.
Si le locataire considère que le préjudice qu’il subit justifie des dommages-intérêts plus élevés, il peut s’adresser au Tribunal administratif du logement pour en faire fixer le montant.
Dommages-intérêts pour reprise de logement ou éviction faite de mauvaise foi :
Le locataire a le droit de demander des dommages-intérêts en cas de reprise ou d’éviction de mauvaise foi, qu’il ait consenti ou non à cette reprise ou éviction. Il peut aussi demander que celui qui a ainsi obtenu la reprise ou l’éviction soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.
Toutefois, c’est au locataire de démontrer que le propriétaire a agi de mauvaise foi.
3) Interdiction de reprise :
Il existe deux situations prévues au Code civil du Québec dans lesquelles le propriétaire ne peut pas reprendre le logement :
A. L’interdiction en vertu de l’article 1959.1 du Code civil du Québec
En vertu de l’article 1959.1, le propriétaire ne peut reprendre le logement ou expulser le locataire si, au moment de la reprise ou de l’expulsion, le locataire ou son conjoint remplit les trois conditions suivantes :
- I. Être âgé de 70 ans ou plus
- II. Avoir occupé le logement pendant au moins 10 ans
- III. Avoir un revenu égal ou inférieur au revenu maximal lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique
Exception :
Cependant, même lorsque les conditions énoncées précédemment sont satisfaites, l’article 1959.1 autorise toujours le propriétaire à reprendre le logement dans l’une des situations suivantes :
- Le propriétaire est lui-même âgé de 70 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s’y loger
- Le bénéficiaire de la reprise est âgé de 70 ans ou plus
Il est un propriétaire occupant âgé de 70 ans ou plus et souhaite loger, dans le même immeuble que lui, un bénéficiaire âgé de moins de 70 ans
A. L’interdiction en vertu de l’article 1964 du Code civil du Québec
En vertu de l’article 1964 :
« Le locateur ne peut, sans le consentement du locataire, se prévaloir du droit à la reprise, s’il est propriétaire d’un autre logement qui est vacant ou offert en location à la date prévue pour la reprise, et qui est du même genre que celui occupé par le locataire, situé dans les environs et d’un loyer équivalent. »
En d’autres termes, si le propriétaire dispose d’un autre logement semblable à proximité et qu’il est disponible, il ne peut pas simplement reprendre le logement actuel du locataire sans son consentement.
Trouvez un avocat spécialisé en droit du logement!
En cas de soupçon que votre locateur tente ou a l’intention de reprendre son logement sans se conformer aux conditions énoncées dans le Code civil du Québec, il est vivement conseillé de solliciter l’expertise d’un avocat spécialisé en droit immobilier. Cette démarche est essentielle pour protéger vos droits en tant que locataire.
Un avocat expérimenté en droit immobilier peut vous orienter tout au long de cette procédure en vous fournissant des recommandations concernant les étapes à entreprendre, en examinant votre dossier, et en vous représentant devant le Tribunal administratif du logement, le cas échéant.
Par conséquent, il est fortement recommandé de solliciter les services d’un avocat spécialisé en droit immobilier pour bénéficier d’un soutien juridique approprié et ainsi accroître vos chances d’obtenir la justice que vous méritez !
Vous êtes à la recherche d’un avocat spécialisé en droit immobilier ? Ne cherchez plus, nous pouvons vous mettre en contact avec l’un de nos avocats partenaires!
Vous n’avez qu’à nous expliquer la situation dans le formulaire en bas de la page, et nous vous mettrons en contact gratuitement et sans engagement avec un avocat dans votre coin!