Au Québec, la sanction des comportements abusifs ne se limite pas aux tribunaux de juridiction criminelle et pénale. En droit civil, certaines lois permettent également de réclamer des dommages-intérêts punitifs.
Contrairement aux dommages-intérêts compensatoires qui visent à réparer les préjudices réellement subis, les dommages-intérêts punitifs ont pour but de punir le comportement fautif et de dissuader toute récidive future. Ces sanctions financières supplémentaires jouent un rôle crucial dans le système judiciaire civil en offrant une voie de recours supplémentaire pour les victimes d’abus.
Dans cet article, Soumissions Avocat vous présente le cadre législatif entourant les dommages-intérêts punitifs au Québec.
Nous examinerons les conditions nécessaires pour leur octroi, les critères utilisés par les tribunaux pour en déterminer le montant, et les différentes lois applicables dans ce domaine!
Qu'est-ce qu'un dommage-intérêt punitif?
Un dommage-intérêt punitif est une somme d’argent attribuée à une victime dans le but de sanctionner le comportement malveillant et répréhensible d’une personne physique ou morale.
Contrairement aux dommages-intérêts compensatoires, qui visent à réparer les préjudices subis, les dommages-intérêts punitifs cherchent à punir le fautif et à prévenir toute récidive future.
En droit québécois, les dommages-intérêts punitifs, également appelés dommages exemplaires, demeurent une exception et ne peuvent être accordés que s’ils sont expressément autorisés par une loi. Leur attribution est régie par des critères stricts pour garantir qu’ils sont appliqués de manière juste et appropriée.
Quels sont les objectifs des dommages-intérêts punitifs?
Selon l’article 1621 C.c.Q., les dommages-intérêts punitifs poursuivent plusieurs objectifs :
- Punir l’auteur d’une conduite fautive : Ils visent à sanctionner sévèrement le comportement répréhensible afin de refléter la gravité de l’acte.
- Dissuader les autres personnes d’agir de la même manière : En infligeant une peine financière significative, ils servent d’avertissement pour décourager d’autres personnes de commettre des actes similaires.
- Démontrer la désapprobation du tribunal: Ces dommages expriment clairement la réprobation sociale et juridique du comportement fautif.
Ce régime a donc pour but de prévenir et de décourager les conduites inacceptables dans la société, en renforçant la protection des droits des individus et en promouvant une conduite éthique et responsable.
Quelles sont les deux catégories de dommages-intérêts?
Les dommages et intérêts se divisent en deux grandes catégories : les dommages-intérêts particuliers et les dommages-intérêts généraux.
Dommages et intérêts particuliers
Les dommages-intérêts particuliers sont accordés pour des préjudices matériels, prouvables et quantifiables qui surviennent après la faute du défendeur mais avant le procès. Par exemple, ils peuvent inclure les frais médicaux engagés et la perte de salaire subie en raison de l’incident.
Dommages et intérêts généraux
Les dommages-intérêts généraux couvrent les préjudices futurs, subis après le procès, qui sont souvent difficiles à prouver. Ces dommages se répartissent en deux sous-catégories selon la nature de la perte :
- Dommages-intérêts non pécuniaires : Ils concernent les préjudices non quantifiables, intangibles et non mesurables, tels que la diminution de l’espérance de vie, la douleur, la souffrance et la perte de jouissance de la vie. Le montant de ces dommages est ajusté en fonction du coût de la vie. Aujourd’hui, le plafond pour les dommages-intérêts non pécuniaires est à plus de 395 000$.
- Dommages-intérêts pécuniaires : Ils visent à compenser les pertes monétaires, comme les frais nécessaires pour les soins de santé et la réadaptation à la nouvelle condition de la victime, ainsi que le manque à gagner en termes de revenu futur.
Ces distinctions permettent de s’assurer que toutes les formes de préjudice subies par la victime soient adéquatement compensées, en tenant compte de leur nature et de leur impact sur la vie de l’individu.
Comment fonctionnent les dommages et intérêts punitifs?
La demande de dommages et intérêts punitifs au Québec est encadrée par plusieurs lois, notamment la Charte des droits et libertés de la personne (Charte québécoise), le Code civil du Québec et la Loi sur la protection du consommateur.
La Charte québécoise
La Charte québécoise défend les libertés individuelles et les droits fondamentaux, tels que :
- Le droit à la vie et à la dignité
- La liberté d’expression et de religion
- La protection contre la discrimination
L’imposition de dommages punitifs aux personnes qui ne respectent pas ces droits est un moyen d’atteindre ces objectifs.
L’article 49 de la Charte stipule qu’en cas d’atteinte intentionnelle et illicite à un droit reconnu par la Charte, l’auteur de l’atteinte peut être condamné à payer des dommages punitifs à la victime.
La victime doit démontrer le caractère intentionnel des faits pour obtenir ces dommages.
Critères d'application
La Cour suprême du Canada a défini les critères d’application des dommages punitifs comme suit:
- Atteinte illicite : Il s’agit de la transgression d’un droit protégé par la Charte due à un comportement fautif.
- Atteinte intentionnelle : Il faut déterminer si l’auteur de l’atteinte avait l’intention de causer les conséquences de sa faute ou s’il était conscient des dommages potentiels résultant de son comportement fautif.
Exemple de jurisprudence
Un exemple illustratif de l’application des dommages punitifs concerne une fille qui a abusivement utilisé la carte bancaire de sa mère atteinte d’Alzheimer, placée dans un CHSLD. La fille était chargée de payer les mensualités du centre, mais une représentante de la caisse Desjardins a signalé des transactions douteuses sur le compte de la mère. Il a été découvert que de multiples achats et retraits injustifiés avaient été effectués.
L’article 48 de la Charte québécoise protège les personnes âgées de toutes formes d’exploitation. Le comportement de la fille a violé les droits de sa mère garantis par la loi. En conséquence, la Cour du Québec a condamné la fille à payer 3 000 $ en dommages et intérêts punitifs.
Ce cadre législatif et ces exemples démontrent comment les dommages punitifs sont utilisés pour sanctionner les comportements fautifs et protéger les droits des individus au Québec.
Le Code civil du Québec
Le Code civil du Québec prévoit des dommages-intérêts punitifs dans certaines circonstances spécifiques, notamment en faveur des locataires. L’article 1899 du Code civil sanctionne les propriétaires qui refusent de louer à des femmes sous prétexte qu’elles sont enceintes ou qu’elles ont des enfants.
De plus, tout propriétaire peut être soumis à des dommages punitifs s’il ne respecte pas les conditions d’habitabilité du logement.
Exemples dans la jurisprudence
Exemple 1 : Dans un cas, une propriétaire a changé les serrures d’un logement, privant ainsi la locataire de l’accès pendant plusieurs jours. Cette action faisait partie d’un harcèlement répété visant à expulser la locataire sans motif valable.
La Cour a condamné la propriétaire à payer 10 000 $ en dommages-intérêts punitifs pour violation des dispositions du Code civil.
Exemple 2 : Dans l’affaire Martin c. Lavoie, les locataires ont signalé plusieurs problèmes dans leur logement, notamment :
- Infiltrations d’eau
- Mauvaise qualité de l’air
- Contamination fongique
- Inaction du propriétaire
- Abandon du logement
Les locataires ont demandé la rupture du bail, une réduction de loyer de 2 050 $, des dommages-intérêts et des dommages moraux de 5 000 $. Après une évaluation confirmant la contamination fongique et d’autres problèmes de santé, le tribunal a accordé :
- 1 500 $ en diminution de loyer;
- 1 141 $ pour les frais de déménagement;
- 313 $ en dommages-intérêts;
- 1 500 $ à chacun des locataires à titre de dommages moraux.
La Loi sur la protection du consommateur
Selon l’article 272 LPC, un consommateur peut réclamer des dommages-intérêts punitifs contre tout commerçant manquant à une obligation imposée par cette loi. L’objectif est de dissuader les commerçants d’adopter des comportements malveillants susceptibles de nuire aux consommateurs.
Exemples dans la jurisprudence
Exemple 1 : La Cour suprême a attribué des dommages punitifs à une personne victime d’une publicité trompeuse de la part du magazine Time. Les recours en dommages punitifs sous la LPC sont souvent menés par des actions collectives contre les commerçants. Voici quelques exemples :
- Action collective contre plusieurs enseignes (Dollarama, Rona inc., Lowe’s, Metro inc., Costco, Tigre Géant) pour fausses représentations concernant les sacs « recyclables »
- Action collective contre Walmart pour des erreurs de prix
- Action collective contre Audi Canada pour un système de détection de l’occupant défectueux
Ces exemples montrent comment les lois québécoises, par le biais de dommages-intérêts punitifs, protègent les droits des locataires et des consommateurs contre des comportements abusifs et répréhensibles.
Quel est le montant des dommages et intérêts punitifs?
L’article 1621 C.c.Q. donne aux juges une certaine liberté pour déterminer le montant approprié des dommages-intérêts punitifs. Cependant, il stipule que ce montant ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour assurer la fonction préventive de la sanction.
Pour évaluer le montant de la pénalité, les juges doivent prendre en considération plusieurs critères :
- La gravité de la faute : Il s’agit d’évaluer l’impact de la faute sur les droits de la victime.
- La situation patrimoniale du défendeur : Le montant des dommages punitifs peut être ajusté en fonction de la situation financière du fautif pour renforcer l’effet préventif de la sanction.
- La valeur des dommages compensatoires : Si les dommages compensatoires sont relativement faibles, le montant des dommages punitifs pourrait être plus élevé.
Les dommages-intérêts punitifs sont payés par l’auteur des agissements fautifs. C’est la personne responsable de la conduite répréhensible qui doit assumer le coût financier de la sanction imposée par le tribunal.
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Les dommages et intérêts punitifs jouent un rôle essentiel dans le système juridique québécois en sanctionnant les comportements répréhensibles et en dissuadant leur répétition. Que ce soit en vertu du Code civil du Québec, de la Charte québécoise ou de la LPC, ces mesures permettent de protéger les droits des individus en punissant sévèrement les fautes intentionnelles et illicites.
Faire appel à un avocat spécialisé est indispensable pour naviguer efficacement dans ce cadre juridique complexe. Un avocat expérimenté peut fournir une représentation compétente, s’assurer que tous les critères soient correctement pris en compte, et maximiser les chances d’obtenir une indemnisation adéquate.
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