La surveillance vidéo est devenue une pratique courante dans de nombreux lieux de travail, souvent justifiée par des raisons de sécurité et de protection.
Cependant, l’utilisation de caméras par les employeurs pour surveiller leurs employés suscite des préoccupations concernant le respect de la vie privée et les droits des salariés.
Au Québec, cette pratique est strictement encadrée par diverses lois et réglementations visant à concilier les intérêts légitimes des employeurs avec la protection des droits des travailleurs.
Dans cet article, Soumissions Avocat vous détaille les droits des employeurs et des employés concernant l’utilisation des caméras de surveillance sur le lieu de travail!
Quels sont les droits d'un employeur concernant la surveillance par caméra de ses employés sur le lieu de travail?
Le droit de l’employeur de surveiller ses employés par caméras de vidéosurveillance est encadré par de différentes règles visant à équilibrer les intérêts de l’employeur et les droits des employés.
Le Tribunal administratif du travail a confirmé à maintes reprises, dans différents jugements, que l’installation de caméras est autorisée dans le cadre d’une gestion responsable, mais qu’un usage excessif peut porter atteinte aux droits des employés et créer un environnement de travail inapproprié.
Pour bien comprendre les droits et limites de la vidéosurveillance, il est essentiel de considérer le pouvoir de direction de l’employeur, la nécessité de justifier ces mesures, ainsi que la proportionnalité de la surveillance.
I. Le pouvoir de direction et la nécessité de justification
Le droit de surveiller les employés par caméra découle du pouvoir de direction dont dispose l’employeur.
Ce pouvoir permet à l’employeur d’organiser et de gérer les opérations sur le lieu de travail afin d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise. Cependant, ce droit doit être exercé avec une grande prudence et dans un cadre raisonnable.
L’installation de dispositifs de vidéosurveillance doit répondre à des motifs légitimes, comme la prévention de vols, la protection des biens, ou encore la résolution de problèmes spécifiques récurrents qui pourraient affecter la sécurité ou la productivité.
Exemple :
Par exemple, l’installation de caméras dans un entrepôt où des vols ont été signalés peut être jugée nécessaire pour prévenir des incidents futurs. Dans ce cas, l’employeur agit dans un souci de protéger les ressources de l’entreprise et de maintenir un climat de confiance.
Les limites de la surveillance vidéo :
Toutefois, l’utilisation de ces caméras ne doit pas devenir une atteinte à la vie privée des employés. Si la surveillance est pratiquée sans justification valable ou si elle est utilisée pour observer constamment le comportement des employés sans distinction, cela peut être considéré comme une intrusion abusive.
L’employeur doit donc démontrer que l’utilisation des caméras est en lien direct avec un besoin concret et sérieux.
II. La proportionnalité de la surveillance
Le principe de proportionnalité est un critère fondamental dans l’évaluation de la légitimité de la vidéosurveillance. Ce principe stipule que la surveillance doit être limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs légitimes de l’employeur, sans excéder ce qui est raisonnable.
Autrement dit, l’employeur doit établir un équilibre entre ses besoins de surveillance et le respect des droits des employés.
Exemple :
Par exemple, installer des caméras pour surveiller un lieu spécifique comme une zone de stockage où des incidents ont été rapportés peut être perçu comme une mesure proportionnée.
Toutefois, étendre la vidéosurveillance à tous les espaces de l’entreprise, incluant ceux où les employés passent leurs pauses ou effectuent des tâches routinières sans lien direct avec les raisons de la surveillance, pourrait être jugé excessif.
Cela risque de créer un sentiment de méfiance généralisé et d’inconfort parmi le personnel, compromettant ainsi le climat de travail.
Il est crucial que l’employeur fournisse des preuves tangibles justifiant l’installation de ces dispositifs, et qu’il s’assure que les mesures prises sont réévaluées régulièrement.
Par ailleurs, les employés doivent être informés de l’existence de caméras de surveillance, sauf dans des cas particuliers liés à des enquêtes internes où la discrétion est nécessaire pour recueillir des preuves.
Quels sont les droits des employés concernant la surveillance par caméra effectuée par leur employeur sur le lieu de travail ?
Malgré l’installation de caméras de surveillance, les employés conservent des droits essentiels visant à protéger leur vie privée et leur intégrité sur le lieu de travail.
Parmi ces droits figurent la protection contre le harcèlement psychologique, le maintien de conditions de travail favorables à leur santé et à leur bien-être, ainsi que la préservation de leur sécurité professionnelle face à des pratiques abusives pouvant mener à un congédiement déguisé.
A. Protection contre le harcèlement psychologique
La Loi sur les normes du travail, notamment l’article 81.18, stipule que le harcèlement psychologique englobe toute conduite vexatoire, répétitive ou isolée, qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité d’un salarié et qui entraîne un milieu de travail hostile ou néfaste.
L’usage abusif des caméras peut être perçu comme une source de harcèlement psychologique si elle engendre un stress constant ou un climat oppressif.
Exemple :
Par exemple, si les caméras sont utilisées pour surveiller et critiquer constamment le comportement des employés ou pour émettre des remarques négatives sur leur performance sans motifs valables, cela peut mener à une détérioration de l’ambiance de travail.
Cette pression continue peut provoquer un sentiment d’insécurité et de stress chronique parmi les employés, impactant leur santé mentale et leur productivité.
B. Droit à des conditions de travail raisonnables
De plus, la Charte des droits et libertés de la personne, à travers son article 46, garantit à chaque individu des conditions de travail respectant sa santé, sa sécurité et son intégrité. Lorsqu’un employeur adopte des pratiques de surveillance exagérées, les tribunaux québécois ont souvent jugé que ces pratiques constituent une atteinte aux conditions de travail.
Une vidéosurveillance omniprésente et injustifiée pourrait ainsi être considérée comme déraisonnable et nuisible.
En effet, à plusieurs reprises, des employeurs ont été tenus responsables de l’atteinte aux droits protégés par l’article 46 de la Charte pour avoir utilisé la vidéosurveillance de manière disproportionnée.
Alors, l’installation de caméras dans des espaces tels que des salles de repos ou des lieux non stratégiques où la sécurité ou la prévention de vol ne sont pas en jeu pourrait être jugée excessive par les tribunaux. Cette intrusion affecte la qualité des conditions de travail et peut être contestée légalement par les employés.
C. Protection contre le congédiement déguisé
Un congédiement déguisé survient lorsqu’un employé est forcé de quitter son emploi en autre en raison de pratiques abusives de l’employeur, telles que la surveillance incessante.
Si un employé démissionne en invoquant un stress intense et un climat de travail insupportable causé par la surveillance constante, cela peut être interprété comme un congédiement déguisé, donnant droit à l’employé d’entreprendre un recours en justice.
D. Recours disponibles en cas de surveillance abusive
Lorsqu’un employeur abuse de la vidéosurveillance sur le lieu de travail, les employés ont plusieurs options légales pour défendre leurs droits et obtenir réparation.
1. Plainte pour harcèlement psychologique :
Les employés qui estiment subir un harcèlement psychologique en raison d’une surveillance vidéo excessive de la part de leur employeur sur leur lieu de travail peuvent saisir la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) en vertu de l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail.
La CNESST est l’institution compétente pour recevoir les plaintes de harcèlement et mener des enquêtes sur de tels cas.
Procédure : Pour porter plainte, l’employé doit le faire dans les deux ans suivant le dernier incident de comportement harcelant. Une fois la plainte déposée, la CNESST procède à une enquête approfondie.
Si la CNESST juge qu’il y a eu harcèlement psychologique causé par l’utilisation abusive de caméras de surveillance par l’employeur, et qu’aucune entente n’a été conclue entre l’employé et l’employeur, la CNESST peut transmettre la plainte au Tribunal administratif du travail afin qu’il rende un jugement sur l’affaire.
Réparations possibles:
- La réintégration de l’employé à son poste si celui-ci a été contraint de démissionner.
- Le versement d’une indemnité compensatoire pour couvrir les pertes subies.
- L’attribution de dommages-intérêts, y compris des dommages punitifs et moraux en cas de préjudice grave.
- La modification du dossier disciplinaire de l’employé pour effacer les traces injustifiées liées à la surveillance.
- Le tribunal peut rendre toute autre décision qui lui paraît juste et raisonnable.
2. Recours pour congédiement injustifié :
Dans les situations où un employé non syndiqué démissionne en raison du harcèlement causé par l’utilisation abusive de la surveillance par caméra par l’employeur, l’employé peut déposer une plainte pour congédiement injustifié, également appelé congédiement sans cause juste et suffisante, conformément à l’article 124 de la Loi sur les normes du travail.
Procédure : Pour bénéficier de ce recours, l’employé doit satisfaire à certaines conditions :
- L’employé doit justifier d’au moins deux ans de service continu chez l’employeur.
- La plainte doit être soumise à la CNESST dans un délai de 45 jours suivant la démission. Ce délai est strict et il est important que l’employé respecte cette échéance pour que sa plainte soit recevable.
Une fois la plainte déposée, la CNESST va évaluer la situation et déterminer si les conditions de travail imposées par l’employeur peuvent effectivement justifier un congédiement injustifié. Si tel est le cas, la CNESST va transmettre la plainte au Tribunal administratif du travail pour un jugement.
Réparations possibles:
- La réintégration de l’employé à son poste si celui-ci le désire.
- Le versement d’une indemnité compensatoire pour couvrir les pertes subies.
- L’attribution de dommages-intérêts, y compris des dommages punitifs et moraux en cas de préjudice grave.
- La modification du dossier disciplinaire de l’employé pour effacer les traces injustifiées liées à la surveillance.
- Le tribunal peut rendre toute autre décision qui lui paraît juste et raisonnable.
Employés syndiqués :
Les employés syndiqués, quant à eux, bénéficient d’une protection différente. Ils sont couverts par une convention collective, et en cas de démission forcée en raison de harcèlement ou de surveillance abusive, ils doivent suivre la procédure de dépôt de grief prévue dans la convention.
- Le dépôt de grief : Lorsqu’un employé syndiqué souhaite contester son congédiement, il doit d’abord déposer un grief auprès de son syndicat. Ce grief doit être déposé dans les délais prescrits par la convention collective, généralement dans un court délai suivant l’incident.
- L’arbitrage : Une fois le grief déposé, il est soumis à un processus d’arbitrage. L’arbitrage est une méthode de règlement des différends dans laquelle un arbitre neutre entend les arguments des deux parties (l’employé et l’employeur) et rend une décision. Ce processus est souvent plus rapide que celui devant le Tribunal administratif du travail.
En résumé, le recours pour congédiement injustifié permet à l’employé de contester une démission forcée en raison de conditions de travail abusives.
La procédure varie selon que l’employé soit syndiqué ou non, mais dans tous les cas, des délais stricts et des preuves claires de la situation de harcèlement ou de surveillance abusive sont nécessaires pour engager une action en justice.
Pratiques recommandées pour les employeurs :
Pour prévenir tout recours tel que le congédiement déguisé ou le harcèlement psychologique causé par l’utilisation abusive des caméras de surveillance, les employeurs doivent adopter des mesures garantissant le respect des droits des employés. Voici quelques bonnes pratiques à suivre :
Mesure | Explication |
Informer les employés | Les employés doivent être informés de l’existence des caméras et de leur finalité. L’élaboration d’une politique de vidéosurveillance claire et précise est essentielle pour expliquer les objectifs et le fonctionnement de la surveillance. |
Limiter l’utilisation aux zones justifiées | Les caméras ne devraient être installées que dans des zones où leur présence est légitime, comme les entrées principales, les aires de stockage où des vols ont été signalés, ou les zones à haut risque.
Une surveillance généralisée de tous les espaces de travail, sans raison valable, peut être considérée abusive. |
Protéger la confidentialité des enregistrements | Il est primordial de sécuriser les enregistrements de vidéosurveillance afin qu’ils ne soient accessibles qu’aux personnes dûment autorisées. L’accès non contrôlé ou le partage des enregistrements pourrait violer la vie privée des employés. |
Respecter l’équilibre entre surveillance et vie privée | L’employeur doit s’efforcer de trouver un juste milieu entre le besoin de protéger ses intérêts commerciaux et le respect des droits des employés à la vie privée et à des conditions de travail décentes. |
Bref, la surveillance par caméras au travail est un outil que l’employeur peut légitimement utiliser, mais cela doit être fait dans le respect des normes légales et des droits des employés. L’équilibre entre le pouvoir de l’employeur et la protection des employés est essentiel pour éviter toute violation potentielle!
Soumissions Avocat vous aide à trouver un avocat spécialisé en droit du travail!
La vidéosurveillance au travail doit être utilisée de manière réfléchie et conforme à la législation québécoise.
Les employeurs doivent s’assurer que leurs méthodes de surveillance respectent les droits des employés et ne créent pas un climat de travail oppressant. En cas d’abus ou de harcèlement psychologique, les employés disposent de recours légaux.
Si vous estimez que votre employeur abuse de la vidéosurveillance, ou si vous êtes un employeur accusé à tort d’utiliser abusivement vos caméras de surveillance, il est conseillé de consulter un avocat spécialisé en droit du travail.
Un avocat spécialisé dans le domaine pourra évaluer votre situation, déterminer vos droits et prendre les mesures appropriées. Il vous accompagnera tout au long du processus, négociera avec l’employeur ou l’employé, et, si nécessaire, vous représentera devant un arbitre ou le Tribunal administratif du travail.
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